Tu mentionnes énormément ton équipe. Comment s’est-elle formée et quelle est sa composition ?
Au mois de juin 2019, j’étais débordée par la demande et n’arrivais pas à aider toutes ces femmes. Ayant une vision très grande, je ne pouvais pas la réaliser seule. Je me suis donc entourée de bonnes personnes qui m’aident à manifester cette vision. Ainsi, depuis un an, je forme des accompagnatrices. Dans le quotidien, certaines répondent aux appels diagnostics, d’autres sont dans l’accompagnement même.
La particularité de l’équipe d’accompagnement est qu’elle est entièrement composée d’anciennes vaginiques. C’est un cercle vertueux dans la mesure où la majorité de ces femmes ont été aidée par moi-même. Quand ces femmes guérissent, elles manifestent la volonté d’aider d’autres femmes à leur tour. Ainsi, je propose aux volontaires un parcours de formation à ma méthode. Au bout de 6 mois, elles débutent les accompagnements sous ma supervision jusqu’à leur totale autonomie pour disposer de leur propre groupe.
Un lien très fort unie les membres de l’équipe. Une forme de reconnaissance mutuelle. Je suis reconnaissante pour la confiance et les autres pour la guérison. « C’est merveilleux de travailler avec des personnes qu’on apprécie.»
Est-il déjà arrivé que la méthode ne marche pas avec une cliente ?
Oui, c’est déjà arrivé. Aucune méthode n’est infaillible. Dans ce cas, je creuse pour comprendre ce qui n’a pas fonctionné. Trois cas de figures se présentent:
- Soit elles n’étaient pas prêtes à s’investir pleinement car c’est un travail remuant. Elles vont donc réussir à guérir mais ça prendra un peu plus de temps. En effet, pour moi, dès que le seuil de 3 mois est dépassé ce n’est plus une victoire. C’est mon niveau d’exigence.
- Soit ce sont des femmes qui avaient des problèmes de santé sous-jacentes qu’il fallait traiter avant de s’attaquer au vaginisme. Ce qui entraine la fin de l’accompagnement. Elles priorisent le problème de santé majeur.
- Parfois aussi, il y a des femmes qui n’ont pas le soutien de leur conjoint. Ce qui peut entraîner un manque de motivation. Le conjoint est un allié pour la guérison même si son soutien n’est pas obligatoire.
Mais en général, le programme fonctionne bien et les femmes guérissent dans les 3 mois surtout si elles sont déterminées et coachables (s’investissent pleinement).
Une fois guéries, les femmes arrivent-elles à s’épanouir sexuellement ?
Je l’explique bien. Mon travail permet aux femmes de passer le cap de la pénétration. Une sexualité épanouie requiert de travailler sur soi, se découvrir, explorer des choses, voir ce qu’on aime ou pas mais aussi de travailler avec son conjoint. Mon domaine d’expertise, c’est la guérison du vaginisme. Concernant l’épanouissement sexuel, le plaisir, la sensualité, j’ai su m’entourer de professionnels de confiance (sexologue, sophrologue, kiné). C’est également ça aussi la force de mon programme, après la guérison, si elles le souhaitent les femmes bénéficient également de ce réseau de professionnels qui prend le relai et connait le vaginisme.
La problématique du vaginisme nécessite une sensibilisation
Sensibilisation du corps médical pour éviter les déconvenues et violences médicales
Il y a un travail de sensibilisation à faire dans le domaine médical. Les professionnels ne comprennent pas et sont un peu paumés. Ils ne posent pas le bon diagnostic. Ou encore, ils n’ont pas les bons mots pour aider ces femmes. Résultat : elles se braquent. Les patientes sont rarement satisfaites. Elles racontent tout un tas de chose : elles ont consulté un.e sexologue qui ne les comprenait pas, un.e autre qui ne les écoutait pas, des violences gynécologiques avec l’insertion d’un speculum de force alors que les patientes préviennent leur vaginisme. Lorsque les gynécologues ne comprennent pas le problème, les conséquences sont désastreuses sur des femmes déjà en souffrance et qui sortent en pleurs du cabinet.
Quelque part, ce n’est pas de leur faute dans la mesure où c’est théorique pour eux. Ils ont du mal à appréhender le vaginisme. A la différence de Mame qui l’a vécu dans sa chair et son âme. D’ailleurs, c’est ce qui fait sa force car elle est la réponse à toutes ces femmes qui ne trouvent pas de réponse ailleurs.
Certaines femmes tombent sur des gynécologues qui émettent des jugements sur leur culture et leur religion. Il faut se rappeler que ces femmes viennent là car elles ont besoin d’aide et non d’être jugées.
De son côté, Mame a déjà commencé à sensibiliser des professionnels (gynécologues, sexologues) qui l’appellent et qui n’ont pas les mêmes résultats. Elle partage volontiers ses outils. C’est-à-dire, accueillir avec bienveillance, écouter sans juger. Autrement dit, être dans une posture d’accepter l’autre telle qu’elle est. C’est important d’être positive et apaisante car les femmes ont en besoin. Quand bien même les causes du vaginisme seraient en lien avec la culture, ce n’est pas une raison valable d’accuser ladite culture. Dans la relation d’aide, le savoir-être est important. Il y a une manière de communiquer, de faire comprendre les choses de manière positive et respectueuse.
Mame, elle-même, a déjà connu la violence gynécologique. Elle se souvient d’une gynécologue qui a passé 20 minutes à juger sa culture. Elle n’y est jamais retournée car non seulement elle n’a pas été aidée mais en plus, elle a dû subir des blâmes.
Lors de ses accompagnements, Mame s’inspire de son vécu et le partage avec les femmes. Elle a eu la même éducation que ces dernières par rapport à la virginité. L’éducation donnée par les parents, c’est pour protéger les enfants et non leur nuire. Cette éducation stricte est une forme d’amour. Avec le regard d’adulte, c’est nous qui le voyons « mal ».
Sensibilisation des mères
Mame revient sur sa propre histoire. Elle sait que sa mère l’a éduqué de cette façon car elle-même a reçu la même éducation de sa mère. Même si dans le passé, elle a pu ressentir de la colère, aujourd’hui, avec le recul, elle sait que sa mère n’a fait que reproduire ce qu’elle a reçu. Il ne s’agit pas pour elle, de faire des reproches à sa mère car elle ne pouvait pas faire différemment.
A la différence, Mame connait les conséquences d’une éducation répressive, contraignante et négative sur la sexualité. Donc, pour ses enfants, fille ou garçon, elle optera pour une éducation beaucoup plus positive par rapport à la sexualité. Ce sont les raisons pour lesquelles, le travail de sensibilisation envers les mamans est important. Ainsi, elles pourront aborder positivement et librement la sexualité avec leur enfant pour éviter à l’avenir de créer des blocages. Mame sait que c’est une étape qu’elle doit franchir. C’est en réflexion mais à l’heure actuelle elle ne sait pas encore sous quelle forme sensibiliser les mères…
Sensibilisation des conjoints, partenaires
Le vaginisme certes, est un trouble féminin mais il impacte le couple donc, concerne également les hommes. Le conjoint est un véritable allié pour la guérison. Elle aimerait sensibiliser les hommes à cette problématique afin qu’ils soutiennent leur conjointe. C’est-à-dire qu’ils ne soient ni dans le jugement ni dans la banalisation. Qu’ils ne comparent pas non plus leurs femmes à leurs précédentes relations. En effet, le vaginisme est une réelle souffrance pour les femmes touchées. Ce ne sont pas des caprices. Certains hommes sont dans le déni et maintiennent leurs femmes dedans. Mame tient également à féliciter tous ces hommes qui sont très patients et compréhensifs. « Je les appelle les hommes magiques. » D’ailleurs, c’est le cas de son époux.
En effet, son époux l’a soutenu et est resté à ses côtés jusqu’à sa guérison. Dans un premier temps, il ne comprenait pas car il n’avait jamais entendu parler du vaginisme. Il pensait que ça passerait seul. Au bout de 6 mois d’essais infructueux, il commença à paniquer ce qui provoquait des tensions dans le couple jusqu’au moment où Mame décida de se prendre en main. Dès qu’il apprit la mesure de la problématique, il l’a rassuré et lui a dit qu’il restera à ses côtés et sera patient. Mame est reconnaissante d’avoir un homme magique qui a su rester à ses côtés et la soutenir.
Pour conclure, Mesdames, si vous aussi, souffrez de vaginisme ou connaissez une femme concernée, n’hésitez pas à contacter Mame Ndanty Badiane sur ses réseaux sociaux.
https://www.facebook.com/Ndantybadiane/