Dans un contexte international marqué par la vague d’indignation reliée au hashtag #metoo et une actualité nationale de décisions judiciaires minimisant des viols commis sur des fillettes noires, nous avons reçu avec beaucoup d’émotion ce texte d’une femme qui témoigne du viol dont elle a été victime enfant et de la manière dont il a été traité.

J’ai menti. Vous me direz je ne suis pas la seule. Le mensonge existe depuis que le monde est monde, il fait partie de nos vies. Nous en faisons le sujet de nos pièces de théâtre, de nos films et de nos livres. Nous partons en guerre à cause d’un mensonge, nous tombons aussi amoureux. Alors pourquoi me confesser aujourd’hui ? Parce que j’ai l’impression que ce mensonge flotte au dessus moi comme un cerf-volant qui m’est attaché et me suis partout.
Le contexte actuel, avec le #meetoo et l’histoire de cette fille de 11 ans qui a eu des rapports sexuels avec une homme adulte a réveillé en moi des choses qui m’ont donné la force de témoigner.
J’ai menti. A des policiers. A des juges. A un psychiatre nommé par la cour. Du haut de mes 13 ans. En 1998. Avec aplomb. Devant ma mère. Ce mensonge a été une question de survie d’une ado qui avait compris que ce qui lui était arrivé un an plus tôt aurait été minimisé, et qu’il fallait le grossir pour que la personne mise en cause soit punie.
Nous étions en 1995. Dernière d’une famille monoparentale, une grande demi-soeur qui avait 7 ans de plus que moi. Mon père était parti vers mes 2 ans. Il avait élevé la grande soeur, et la considérait comme sa fille. Elle l’appelle d’ailleurs aujourd’hui toujours Papa. Ma mère avait donc eu au moins deux gros échecs sentimentaux dans sa vie. Seule, dans un pays qui n’était pas le sien, à élever deux enfants, aide soignante de nuit, elle avait trouvé le réconfort dans un organisme plus que controversé. Les témoins de Jéhovah. Secte, organisation religieuse, le débat est vaste. L’information sur mon contexte spirituel est importante pour plus tard.
Je ne sais pas comment le nommer avec on va dire IL. Rien que ça c’est pour moi lui donner trop d’importance. IL lui a été présenté par un ami de “l’église”. La différence d’âge et la rapidité avec laquelle ils se sont mariés était plus que suspecte. 35 ans de son côté, 45 pour elle. Il était étudiant à la fac du coin en philosophie, sans travail, sans permis, de nationalité étrangère, vivant dans la résidence universitaire. En quelques temps, il a tout fait pour cocher les cases du futur mari parfait. Se faisant payer pleins de choses (dont son permis par ma mère), être sympa avec les enfants de sa future femme. Surtout avec moi. A l’époque, mon père qui me prenait une semaine sur deux avait disparu au pays et j’étais en manque d’une figure paternelle. Et puis j’étais et je suis toujours une optimiste, ayant foi dans l’Homme. Il fallait lui laisser sa chance.
La première chose qui nous a paru étrange, c’est qu’au mariage, qui a eu lieu un peu moins d’un après après leur rencontre, peu de gens étaient invités alors qu’avant c’était l’auberge espagnole à la maison. Ma mère s’isolait donc de plus en plus.
Dès le lendemain matin, il a emménagé dans notre appartement et nous a alors montré son vrai visage. Avec le recul, je le qualifie de pervers narcissique. Un manipulateur. Un menteur. Un très bon orateur aussi. Les insultes étaient monnaie courante ainsi que les humiliations. IL nous traitait de fainéantes, affirmait que tout ce que nous disions était faux, quitte à avoir des raisonnements complètement tordus.
Nous étions des inutiles, des bouches à nourrir qui ne servaient à rien, des fardeaux à tel point qu’il avait supprimé nos de famille de la boite à lettre, avait descendu tous mes jouets à la cave ( je dis bien TOUT et je rappelle que j’avais autour de 10 ans). Tout cela tranquillement devant ma mère. Elle ne disait rien et le soutenait en tout. Ils essayaient d’avoir un enfant. Ma mère ne pouvant plus , il m’a reproché d’avoir bousillé son utérus en sortant. Je nous revois assis à la table du salon pendant qu’il me balançait ça avec dégoût. J’avais 11 ans. Cela laisse doucement imaginer mon quotidien. J’habitait à 5 min de mon école primaire et de mon collège mais je faisais des tours interminables pour ne pas rentrer chez moi. A l’extérieur, il passait pour une personne formidable, un homme exceptionnel. Et il fallait maintenir les apparences.
Ma grande soeur (je dis soeur et non pas demi car je n’ai pas un demi coeur comme dirait Fatou Diome dans le Ventre de l’atlantique) et moi arrivions à faire front commun face à cette situation. Jusqu’à ce qu’elle ait son bac. Elle est partie. Loin très loin. Elle avait fait exprès de prendre l’école la plus loin possible pour avoir son appartement et fuir cette maison. Je crois qu’aujourd’hui encore elle s’en veut. Mais moi je ne lui en veut pas. Elle a sauvé sa peau. Et c’est normal.
C’est là que les problèmes ont commencés. Ma mère travaillait la nuit. Nous étions donc seuls LUI et moi. Un soir, assis sur le canapé, on regardait ensemble Jeux sans frontières. Je me revois dans mon pull bleu turquoise avec mon pantalon jean ecossais bleu et jaune affalée dans le canapé. A la fin du jeu je n’avais pas eu envie d’aller me coucher. On était la veille de mon 12ème anniversaire (pour rappel j’étais Témoin de Jéhovah donc on ne le fêtait pas mais c’était quand même un moment dont j’avais conscience). Je ne sais pas pourquoi mais à l’époque je me faisais tout une histoire de cet âge, 12 ans. Comme si c’était le passage d’un cap, un peu comme les 20, 30 ou 40 ans. On a ensuite regardé un film de Louis de Funès, Joe. Puis il a mis la VHS d’un de mon film préféré de l’époque. Crocodile Dundee.
Un moment donné, sans aucun signe avant coureur, il s’est rapproché de moi et a déboutonné mon pantalon puis a mis sa main dans ma culotte. Le temps que cela me monte au cerveau, je me suis enfuie dans ma chambre. Il y avait une serrure mais je n’avais pas la clé. Un placard avec des tiroirs étant juste derrière la porte, je les ai tirés pour essayer de bloquer l’entrée mais peine perdue. Il a défoncé mon stratagème plus que faiblard. Honnêtement, je ne me souviens plus de ce qu’il m’a dit. Il m’a parlé de désir, du faite que j’étais attirante etc. Il m’a présenté ses excuses et m’a promis d’arrêter. Et m’a demandé de garder le secret. Qu’il se ferait pardonner. Qu’il arrêterait de me parler mal et plaiderai ma cause envers ma mère en cas de bêtises.
Et c’était fini. Minuit 20. 12 ans et 20 min j’étais victime d’attouchement. Par un homme adulte. Le mari de ma mère. J’étais juste terrorisée, j’avais peur qu’il recommence. Je voulais qu’il sorte de ma chambre. Je voulais que ma mère revienne, je voulais mourir. Je me sentais coupable. Je savais que ce qu’il avait fait était mal. Mais j’ai réussi à dormir. A tel point qu’il est passé le lendemain matin me réveiller avant le retour de ma mère pour me dire que j’étais vraiment forte car lui n’avait pas réussi à fermer l’oeil. Et bien sûr de s’assurer en passant de mon silence.
Je n’ai rien dit. De toute façon je ne pouvais pas. Il me suivait partout. Impossible me retrouver seule avec ma mère. J’ai toujours été assez solitaire. J’avais des amis à l’école mais pas assez “profonds” pour leur confier des choses comme cela. Quand aux enfants de mon “église” impossible aussi. De toute façon, personne ne m’aurait crue.
Selon son planning, ma mère alternait les périodes de travail et celles de congés. La première agression s’étant passée passé au cours d’une nuit de travail qui était immédiatement suivi d’un jour chômé, j’ai eu la paix un certain temps. Et ma sœur rentrait également certains we, et cela coïncidant avec certains des jours de travail maternels, je n’étais donc pas seule avec lui. J’ai ainsi pu souffler du coup, la deuxième agression a été éloignée de la première de quelques jours.
La deuxième agression. Et la troisième. Et toutes les autres ont été faites sous couvert d’un argument foireux. Si je faisais ce qu’il voulait et qu’il arrivait à jouir, il n’aurait plus envie de moi et me laisserait tranquille. “Fais moi jouir, donne moi ce que je veux et alors tu auras la paix. C’est comme cela qu’un homme fonctionne” C’est ce qu’il m’avait dit. Et je l’ai cru. J’avais 12 ans, victime depuis deux ans d’un pervers narcissique, délaissée par une mère muette face à ce qu’IL nous faisait subir, sans ma soeur pour me protéger, sans personne à qui me confier, seule avec ce secret, j’avais honte. J’étais sale, j’étais la voleuse de mari de ma mère.
Il m’a demandé de lui faire une fellation. J’ai refusé. Il a frotté son sexe contre le mien, m’a embrassé sur la bouche, m’a pénétré avec un doigt m’a demandé et montré comment le masturber. Tout ceci dans le lit conjugal. Il éjaculait sur moi puis me nettoyait avec un gant qu’il prenait bien le soin de bien rincer et nettoyer après.
C’est là que j’ai menti un an plus tard au commissariat de police. Il ne m’a jamais pénétrée. Il l’a dit lui même. Il fallait que je garde ma virginité. Sinon, cela serait suspect. Ainsi, si un jour il se faisait attrapé, il n’y aurait pas de preuve.
Chaque fois j’espérais que ce que je faisais allait lui suffir et étancher sa soif afin qu’il me laisse tranquille. J’ignorais qu’en participant à ses fantasmes pervers j’en alimentait d’autres. Le cercle vicieux. Tout ceci a duré un certain temps. Combien exactement ? Je ne sais plus. Je dirais quelques semaines. Il y a certains épisodes que mon cerveau a “effacé”. Une protection j’imagine pour pouvoir supporter l’insupportable.
Je commençais à m’éteindre. Enfant rieuse, blagueuse, très câline avec ma maman je m’éloignais. Me renfermais.
C’est au cours d’un voyage dans notre pays d’origine pour présenter à la famille son mari que ma mère s’en est aperçue. Au milieu de la horde des cousins et cousines je me m’étais à part. Je ne parlais à personne. J’étais l’ombre de moi même. Ma mère m’a forcé un jour à parler. Dire ce qu’il n’allait pas. Au bout de plusieurs heures de pleurs, de douceur, de cris j’ai lâché la bombe. Il a immédiatement nié bien sûr. J’étais une affabulatrice. Mais mon attitude avait allumé le détecteur maternel.
Je redoutais la fin des vacances. Au pays, avec toute la famille, rien n’avait été réglé. Mais de retour en France, ma mère allait reprendre le travail. Qu’allait-il se passer ? Vous vous souvenez que j’ai évoqué au début que le faite d’avoir grandit chez les témoins de Jéhovah allait avoir son importance. C’est ici que ce détail intervient. De retour en France, avant son premier jour de travail, ma mère est partie voir ce que l’on appelle le “conseil des anciens”. C’est le comité d’hommes qui dirigent chaque église locale. Ils diffusent les instructions du “siège”, s’occupent du bon fonctionnement de la structure locale et en cas de questions plus ou moins grave se réunissent afin de prendre des décisions. C’est ce qui s’est passé. Nous avons été convoqués séparément et j’ai du leur raconter mon histoire. IL s’est défendu, ils ont consulté leur bible et se sont consultés entre eux. Verdict : pas de preuve.
La solution : simple. Tous les soirs ma mère m’enfermera dans ma chambre. Pour me protéger. Et réouvrira le lendemain. Il avait interdiction de me parler au travers de la porte.
Ce point, l’intervention de ces hommes n’a jamais été évoquée devant une autorité. Ma mère a tout pris sur elle. Toujours dis que c’était de sa propre décision.
L’enfermement a duré un an. Un an, où tous les soirs de travail où j’allais me retrouver seule avec lui, je devais dîner en vitesse, prendre un paquet de gâteau, vérifier de ne rien n’avoir oublié dans l’appartement. Puis ma mère me posait un pot de chambre, me souhaitait une bonne nuit puis fermait la porte à clé et partait. Un an. J’en suis ressortie avec des séquelles. Par exemple, je suis boulimique non vomisseuse. Je gère toutes mes émotions avec la nourriture.
Le premier jour il a essayé de me parler. Me demander pourquoi j’ai tout raconté. Pourquoi je l’avais trahi ? Ne m’avait-il pas dit que quand il serait satisfait ça allait s’arrêter ? Et ne s’occupait-il pas bien de moi en m’achetant pleins de trucs, en étant mon plus fervent défenseur en cas de bêtises face à ma mère ? J’ai essayé de l’enregistrer avec mon lecteur K7 mais il a entendu que j’étais en train d’en glisser une dans l’enregistreur. Il a donc arrêté de parler. Ma soeur venait plus régulièrement car je lui avait tout raconté (ma convocation pour ma confession pendant les vacances n’était pas passée inaperçue). Je n’ai jamais su si sur le coup elle m’avait cru ou pas. Mais elle venait. Et c’était l’essentiel.
Un an s’est donc écoulé. J’étais fan des PC. L’informatique me fascinait. Nous avions un ordinateur. Mais comme c’était le SIEN je n’avais pas le droit d’y toucher. Un jour, ma mère qui avait un document à taper pour le travail m’a demandé de le faire à sa place. Pas douée avec les ordinateurs et ayant envie de me faire plaisir, elle avait réussi à faire que je sois aux anges. Le PC était dans leur chambre. Je me suis donc assise tranquillement devant la machine. Le temps qu’elle démarre, IL est venu furtivement dans mon dos pendant que sa femme était au téléphone dans le salon ( pour rappel à cette époque le portable n’existait pas) et m’a dit d’ouvrir un dossier dont je ne me souviens plus le nom. Puis IL est reparti tout aussi vite, comme si de rien n’était.
Il y avait une lettre. Une lettre d’amour. Il avait mis des cœurs en haut et en bas. Déclaration enflammée à une gamine de 13 ans. J’en ai eu la nausée. Mais c’était MA preuve. La promesse de la fin de mon calvaire d’enfermement. J’ai repris mes esprits et l’ai imprimée, puis je l’ai planquée dans ma culotte sous mon pull. Ensuite ça a été compliqué. Dès que je demandais à ma mère de venir pour X raison ( “ton texte n’est pas clair, c’est bien ça que tu veux écrire ?)” il se ramenait aussi. Enfin, sous couvert de faire signer mon carnet de correspondance dans ma chambre ( ma mère étant ma seule responsable légale, il n’avait aucune légitimité à venir f dans ce cas là) j’ai glissé la lettre dans une page. Elle l’a vu. S’est décomposée. M’a regardée. A re regardé la page. Et a compris. Ce que j’avais vécu, qui il était, ce qu’il m’avait fait, ce qu’elle m’avait fait. Je l’ai vu se réveiller. Avant elle était comme hypnotisée. J’ai vu le choc dans ses yeux. Et j’ai ressenti un immense soulagement. J’étais sauvée.
Il ne s’est rien passé le soir même. Je suis allée au collège le lendemain comme d’habitude. Mais le midi la proviseur est venue me chercher. Ma mère était là. Je passe certaines choses par respect pour elle. Mais au final, en fin de journée, nous sommes allées au commissariat.
J’ai tout de suite compris, et je savais qu’il n’y avait aucune preuve. Une lettre tapée sur un pc alors que j’y étais à ce moment là? J’étais encore vierge ? Ma mère éludait volontairement le coup de l’enfermement devant les policiers ? Je faisais ce qu’il me disait pour qu’il me fiche la paix. N’étais-je pas consentante ?
Alors j’ai menti. J’ai dit qu’il m’avait pénétrée avec son sexe. J’ai dit qu’il m’avait violée. Sans ça je n’avais aucune certitude que l’on me croit. Que l’on ne me dise pas : “ Désolé, mais nous ne pouvons rien faire. Sale trainée tu as dit oui à tout donc ce n’est pas mal ce qu’il a fait”.
Voilà mon mensonge. Voilà mon cerf-volant. Mon dossier a donc été classé en viol. Mais après examen médicaux (traumatisants au possible) il a été reclassé en agression sexuelle étant donné que j’étais vierge. Avec quand même une mention qu”’étant donné que j’étais de type négroïde, l’hymen des femmes noires étant connu pour être plus dur, il était possible d’envisager que j’ai eu des rapports sexuels mais qu’il ne se soit pas déchiré.”
Je passe sur l’attitude et les techniques d’interrogatoire d’une enfant à l’époque. J’espère qu’ils ont été formés. Car ça riait quand on me demandait de décrire son sexe (largeur, longueur etc.) et ils m’avaient mise dans un bureau, avec ma mère face à au moins 3 mecs.
Avant de m’amener au commissariat, ma mère avait prévenu son mari que nous allions porter plainte. Le retour à la maison était donc angoissant. Arrivées à l’appartement, nous n’avions pu faire qu’un constat : il était parti. Il avait tout laissé ( ses vêtements, ses livres, ses objets personnels) sauf ses deux passeports, le pc, l’imprimante et la voiture (que nous avons pu récupérer après, via un coup de fil anonyme pour nous dire où elle était). Il avait pris un vol pour son pays d’origine.
Nous n’avons plus entendu parler de lui pendant 5 ans. Et nous avons encore fait semblant. Personne ne savait. Ecole, travail, église. Personne. Je tenais le choc. Elève modèle ( ça m’a été reproché au procès. Je n’étais pas les stats classiques de la fille violée dont les notes dégringolent. Mon argumentaire a été de dire demander ce qu’on pouvait faire quand on est enfermé plusieurs fois par semaine sans télé à part lire et faire ses devoirs ?), ado “normale” qui avait même eu un petit copain. Ma mère justifiait l’absence de son mari puis son divorce par le fait qu’il l’avait trompée et était parti avec sa maîtresse (ironique et horrible avec le recul). Nous avions également quitté les Témoins de Jéhovah.
Et puis, un jour. Une lettre du tribunal. Adressée à moi directement. Je venais juste d’être majeure à quelques semaines près (purée cet anniversaire). Il avait été arrêté. Convocation au procès. J’ai appris plus tard qu’étant tout juste français avant sa disparition (merci le mariage), il avait fui avec son autre passeport, puis était rentré en France quelques temps plus tard mais il n’avait pas été signalé. Installé dans l’est de la France, il s’était remarié, avait eu deux enfants et souhaitant leur faire faire un passeport pour les présenter à sa famille au pays, il avait entamé des démarches administratives. C’est là qu’il a été repéré et arrêté.
Je me suis écroulée. J’avais réussi à construire quelque chose de fragile. J’avais même eu un petit copain. J’avais une vie. Le revoir, revivre ça me semblait au dessus de mes forces. Mais j’y suis allée. J’ai affronté les juges, les avocats, sa femme et ses enfants. Je l’ai affronté. Il a été condamné. A… 2 ans dont un avec sursis et interdiction de travailler avec des enfants (car il travaillait pour l’éducation nationale, oui oui …). Il a fait appel. Rebelote. Peine confirmée. Mais, il avait fait de la prison depuis son arrestation et avec le jeu des remises de peine, il est sorti quelques semaines après.
2 ans dont 1 avec sursis. Et 1 euro de dommages et intérêts car je ne voulais pas de son argent. Vous trouvez que c’est assez ? Vous trouvez que j’étais consentante ? A cet âge ?
Quand ces derniers temps j’ai entendu parler de l’histoire de cette petite de 11 ans, je suis revenue 20 ans en arrière. Je ne pensais pas que la justice n’avait pas évolué sur ce point. Je me dis que si elle avait menti, peut-être qu’elle aurait été plus considérée, comme moi jusqu’à ce que mon affaire soit requalifiée à la baisse.
J’ai donc décidé de témoigner. En anonyme certes, pour prouver le côté ubuesque de cette loi. Une enfant de 11, 12 ans et 20 min ou 13 ans n’est PAS consentante. C’est UN VIOL. POINT
Ce témoignage est édifiant sur plusieurs points : la manière dont sont auditionnées les victimes de viol et notamment les mineur-e-s, la négation complaisante des faits par le conseil de famille, le report de la faute sur la victime qui est enfermée pour son bien, l’impact sur la vie d’adulte…
J’en retiens également un point important : l’activation du mode survie. Ce mode survie qui dicte à une enfant d’essayer d’enregistrer son agresseur, d’imprimer sa confession et… de mentir aux forces de police en chargeant encore le coupable par peur de ne pas être prise au sérieux.
Les agressions sexuelles et les viols font grandir les enfants plus rapidement que prévu, la manière dont ces affaires sont traitées finit de les faire grandir…